L'écrivain belge Jean Philippe Toussaint, lauréat du prix "Sport et littérature" en 2015, revient sur son ouvrage "Football".
- Pourquoi ce titre, Football à la fois si simple et si absolu?
Eh bien, c’est comme le Port-Salut, c’est écrit dessus. J’aime bien les titres qui disent de
quoi il est question.
- Au fur et à mesure de la lecture de ce livre on a l'impression que votre
passion pour le football se limite à la période de l'enfance?
Il est vrai que j’associe le football aux rêves et à l’enfance. Sans être naif (je n’ignore pas
les aspects déplaisants du football, la violence dans les stades, le racisme, l’argent, les
embrouilles de la FIFA), l’émerveillement que j’éprouvais, enfant, pour le football n’est
pas complètement éteint. J’apprécie toujours certaines grandes compétitions, je
continue de me rendre au stade avec plaisir, et j’ai quand même réussi à acheter des
places pour trois matchs de l’Euro 2016.
- La découverte des stades de football correspond à un nouveau rapport
personnel avec ce sport. Comment le définiriez-vous?
Rien ne remplace le stade. Certes, il faut payer, et parfois très cher, pour voir « moins
bien » qu’à la télévision. Mais on vit le match bien plus intensément, on vit un moment
plus large, plus dilaté dans le temps (qui englobe les préparatifs, l’achat du billet, le
temps du transport et l’exaltation de se peindre des petits drapeaux sur les joues.)
- Votre récit sur la coupe du monde 2002 occupe une place importante
dans votre livre. On ressent un regard plus sociologique que passionné
de votre part. Le sportif passe-t-il au second plan? Consciemment ou
pas?
Non, je ne crois pas que j’ai porté un regard sociologique sur la Coupe du monde 2002 au
Japon. J’ai voulu être littéraire, poétique et sensuel. Je n’oublie pas les sportifs, je décris
par exemple les joueurs de l’équipe du Japon : « Les Japonais ont une équipe de stars, de
chanteurs de rock et de jeunes premiers, où brillent, au hasard des mèches folles de leurs têtes
juvéniles, toutes les nuances vénitiennes du blond et de l'auburn, sans compter la crête rouge
orange Iroquois de Kazuyuki Toda, le Masque de fer, Jean-Paul Gaultier à mort, de
Tsuneyasu Miyamoto, et le toujours efficace crâne rasé de Shinji Ono. »
- Les Coupes du monde du monde du début de ce siècle ont pour vous une saveur spéciale.
C’est vrai qu’il y a a eu pour moi une décennie de rêve, avec les Coupes du Monde au
Japon et en Allemagne. J’ai des liens étroits avec ces deux pays, tous mes livres y sont
traduits, j’ai de nombreux contacts avec la presse et les universités.
- Avec le temps, et l'âge, on vous imagine plus détaché dans votre rapport au
football.
J’ai toujours, je crois, essayé d’être détaché...même si après l’élimination de la Belgique
contre l’Argentine en 2014, j’ai fait une dépression nerveuse!
- Si vous pouviez envoyer votre livre à une personne du monde du
football:
Je n’ai jamais eu beaucoup de succès dans cette entreprise. J’ai envoyé mon petit livre La
Mélancolie de Zidane à Zidane, et j’ai aussi fait parvenir la traduction italienne du livre à
Pirlo (j’ai laissé une enveloppe à son nom à son hôtel un jour que le Milan AC jouait à
Bruxelles contre Anderlecht), sans jamais avoir de réaction de leurs parts.
- Si vous pouviez envoyer votre livre à une personne extérieure au
monde du football:
Je l’ai envoyé à deux ou trois comédiens que j’admire, et voici
quelques-unes des fleurs qui m’ont été jetées. Il est temps maintenant que je fasse un
petit tour d’honneur (vous savez quand même que Football a obtenu le Grand Prix Sport
et Littérature 2015 !) : « Hier prenant mon courrier au français après deux mois
d'absence, je trouve Football dédicacé! Merci de tout cœur! Je n'avais pas attendu pour le
lire et d'impatience l'avais acheté comme un mort de faim...Oui, c'est une merveille, un
livre parfait. » (Denis Podalydès) « Votre livre m'a enchanté, nourri, et fait sentir le
bonheur dont on hérite quand le football inspire les intellectuels et à quel point les
intellectuels peuvent enrichir la vision du football, propriété des commentateurs
spécialisés. » (André Dussolier).
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